Eva Sas et Clémentine Autain ont obtenu ce jeudi 20 février l’adoption par l’Assemblée nationale de leur proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros.
Il aura fallu de la patience et du courage pour venir à bout de l’obstruction de la Droite Républicaine et d’Ensemble pour la République : 7h de monologue pour défendre le droit des ultra-riches à contourner l’impôt !
>> Les résultats du vote de la loi et la réaction d’Eva Sas à l’adoption en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=Hbc17zscMAw
Une proposition nécessaire pour répondre à l’évitement fiscal et l’accroissement des inégalités
Qu’observons-nous depuis 20 ans ? D’un côté, les 500 plus grandes fortunes de France ont vu leur patrimoine multiplié par 10, passant de 124 à 1 228 milliards d’euros avec un rendement du capital qui explose, atteignant 7 à 10 % par an. Même en période de crise, le patrimoine des ultra-riches ne subit qu’un impact temporaire. Les fluctuations annuelles ne remettent jamais en cause la tendance de fond : une accumulation constante et massive du capital.
Et de l’autre côté, nous avons un système fiscal, certes, très progressif, mais jusqu’à un certain niveau de revenus. A partir des 0,1 % les plus aisés, il devient au contraire dégressif ! Si fait que pendant que les classes moyennes et populaires contribuent à hauteur de 50 % de leur revenu à l’effort collectif tout impot confondu, y compris la TVA et l’Impôt sur les sociétés, les milliardaires, eux, ne paient que 27 %, et même que 2 % si l’on ne prend en compte que les impôts personnels.
Exil fiscal, constitutionnalité… Comment ce texte répond aux enjeux soulevés ?
Un impôt confiscatoire ?
Dans sa version définitive, le texte propose enfin une taxation minimale sur le patrimoine des quelques 1.800 contribuables les plus aisés qui cumulent plus de 100 millions d’euros.
La proposition garantit, par la mise en place d’un Impôt Plancher sur la Fortune, que le total des impôts acquittés (IR, CSG, CRDS, IFI, CEHR) par ces contribuables soit au moins égal à 2 % de la valeur de leur patrimoine.
Ce taux reste peu élevé, car il ne met à contribution qu’une partie du rendement annuel constaté du patrimoine des personnes assujetties. La croissance du patrimoine des milliardaires a été de 7%, net d’inflation, depuis plus de 40 ans. On ne peut donc pas l’accuser d’être confiscatoire, et ce d’autant plus que les plus aisés paient en réalité deux fois moins d’impôts, tout impôt confondu, que la moyenne des Français·es.
Cet impôt plancher va-t-il conduire à un exil fiscal ?
Si la taxation sur le patrimoine peut avoir un effet sur l’expatriation fiscale, cet exil demeure marginal. Selon France Stratégie, seuls 0,2 % des contribuables soumis à l’ISF choisissaient de s’exiler pour des raisons fiscales, et des expériences à l’étranger, comme en Suède, confirment que les départs des ultra-riches après une hausse d’impôts sur le patrimoine restent exceptionnels. Par ailleurs, pour réduire les effets d’un potentiel exil fiscal, nous avons renforcé notre proposition de loi par un dispositif anti-exil fiscal, soumettant ceux qui s’expatrient à cet impôt plancher pendant une durée de 5 ans.
Cette proposition est-elle constitutionnelle ?
Le Conseil Constitutionnel n’a jamais eu à statuer sur un impôt dont le seuil d’entrée se situe à 100 millions d’euros de patrimoine. En tout état de cause, cet impôt plancher ne saurait être considéré comme confiscatoire, puisqu’il ne s’appliquerait plus aux patrimoines dès qu’ils deviendraient inférieurs à 100 millions d’euros. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs déjà validé un ISF avec un plafonnement limité ou sans plafonnement, à un taux de 0,5 %, démontrant une ouverture à des mécanismes similaires. Par ailleurs, les jurisprudences du Conseil Constitutionnel sont bien antérieures à l’étude de l’Institut des Politiques Publiques de 2023 qui montre que la structuration des patrimoines conduit à une imposition effective des 378 ménages les plus aisés à un taux de 2% sur le revenu (tous impôts personnels confondus). Enfin, ces jurisprudences établissaient en effet la nécessité d’un plafonnement, mais avaient précisé que cela ne devait pas conduire à favoriser l’évasion fiscale. Il y a donc tout lieu de penser que le Conseil Constitutionnel pourrait valider cet impôt plancher dont l’objectif est justement de lutter contre l’usage du plafonnement, comme outil de contournement fiscal.
Notre proposition vise à redonner du sens à l’égalité devant l’impôt, un des principes fondateurs de notre République, et des moyens pour nos comptes publics.
Elle permettrait d’abonder les caisses de l’Etat à hauteur de 15 à 25 milliards d’euros par an, selon les calculs de l’économiste Gabriel Zucman, pour financer la transition écologique ou le renforcement de nos services publics. Elle répondra aux attentes de justice fiscale légitimement exprimées par la population et sera bienvenue pour répondre aux défis budgétaires actuels, au financement des services publics ou encore de la transition écologique.
>> Le lien vers la proposition de loi dans son intégralité : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0768_proposition-loi
>> Le lien vers le rapport : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_fin/l17b0930_rapport-fond
Eva Sas : « Nous venons d’envoyer un signal fort, bien au-delà de cet hémicycle : le contournement de l’impôt par les plus riches n’est plus acceptable. La suroptimisation fiscale doit être régulée. Chacun doit contribuer à l’effort collectif. »
Le dossier de presse de la proposition de loi :