La baisse des taux directeurs décidée pour la première fois depuis cinq ans par la BCE doit être une occasion, soulignent Eva Sas et Noam Leandri, de verdir sa politique monétaire.
La tribune est à retrouver en intégralité ici, sur le site du journal Les Echos.
La Banque centrale européenne doit annoncer jeudi 6 juin une inflexion de sa politique monétaire avec une baisse des taux d’intérêt directeurs. C’est enfin l’occasion de mettre en place sa promesse de favoriser l’économie verte et de défavoriser les activités néfastes au climat comme elle s’y est engagé depuis 2021.
La finance ne deviendra pas vertueuse d’elle-même. La finance verte demeure encore très minoritaire malgré le Pacte vert de la Commission européenne . L’an dernier, à peine plus de 10 % des emprunts par obligations étaient destinés à des projets « verts » . Et les investissements verts n’ont représenté que 1 % du PIB mondial en 2022.
Or les investissements favorables au climat doivent doubler d’ici 2030 pour respecter
Pour opérer cette réorientation massive des flux de capitaux comme le prévoit l’accord de Paris, les banques centrales ont un rôle essentiel à jouer. Et la BCE au premier chef car le financement bancaire reste majoritaire en Europe par rapport au financement de marché.
La BCE, sauveuse face aux crises
La BCE a parfaitement joué son rôle de pompier lors de la crise financière de 2008 puis lors de la pandémie de Covid-19. Pourquoi en serait-il autrement face l’incendie climatique qui menace notre économie ?
La première priorité pour la BCE doit être de ne plus accepter en garantie les actifs liés aux énergies fossiles alors que l’ONG Reclaim Finance a démontré que 32 développeurs fossiles étaient encore éligibles.
Ensuite, sa seconde priorité est de rendre les projets favorables au climat plus rentables que des projets standards en les favorisant par des taux directeurs différenciés, plus bas pour les projets « verts ».
Enfin, un choc monétaire sans précédent pourrait être libéré pour la transition en lançant un vaste programme d’achat d’actifs verts.
Les moyens d’agir de la BCE
De combien parle-t-on ? La Commission européenne estime qu’il faudrait mobiliser 1.000 milliards d’euros d’investissements publics et privés sur la décennie. Pendant la crise sanitaire 2.000 milliards d’euros d’actifs financiers ont été achetés par la BCE. La moitié suffirait donc à financer la transition écologique de l’Europe.
A son arrivée en 2019 à la tête de la BCE, Christine Lagarde avait embarqué l’institution dans une revue stratégique visant à intégrer le risque climatique dans sa politique monétaire. Mais ces actions restent encore trop timorées en raison des réticences de pays qui craignent qu’une bulle financière ne se forme sur les actifs verts. On en est pourtant loin aujourd’hui !
Certains opposeront aussi qu’il faut changer le traité de Maastricht qui encadre le rôle de la BCE. Pourtant, il n’a pas été nécessaire quand il s’agissait de sauver l’économie européenne en 2008 et en 2020. Ce sauvetage climatique n’est pas une nouvelle mission pour la BCE, elle a déjà pour rôle d’assurer la stabilité financière.
Poussons la BCE à protéger l’économie européenne du chaos climatique !
Eva Sas est députée écologiste.
Noam Leandri est cadre de la Banque de France et auteur de « La finance verte ».